La défiance des Français envers les médias

28 juillet 2025

“Près de deux tiers des Français ne font pas confiance aux médias sur les sujets d’actualité «  : tel est l’implacable constat de France info, à la suite de la parution en janvier 2025 du 38e baromètre La Croix / Verian / La Poste sur la confiance des Français dans les médias. Est-ce à dire que le lien est définitivement rompu ? Pire, faut-il voir dans cette défiance le signe d’un affaissement démocratique, dans la mesure où les médias sont supposés représenter un quatrième pouvoir ? Nous tentons d’analyser toutes les facettes de cette réalité dans cet article. 

Les Français et les médias : un lien partiellement brisé 

De l’âge d’or à la chute 

Y-eu-t-il un âge d’or de la presse ? 

Oui, si l’on se réfère à un article paru sur le site de la Bibliothèque nationale de France. Selon son auteur, ce sont les décennies 1890-1910 qui sont les plus “fastes” : “En France, tout le monde lit le journal, seule source d’informations quotidiennes, dont chaque exemplaire est tiré à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. Une presse de masse qui s’adapte à la demande populaire.” 

Ce temps est révolu. 

Bouleversé notamment par le secteur numérique, le monde des médias connaît actuellement des difficultés financières. Il semble de surcroît ne plus faire l’unanimité, très loin de là. Selon l’article de France Info mentionné plus haut, 62% des Français considèrent qu’il faut se méfier de ce que disent les médias sur les sujets d’actualité. Une tendance à la hausse au cours des dernières années. 

Recul et baisse de confiance 

Ajoutons à cela que la moitié des personnes sondées disent ressentir de la fatigue vis-à-vis de l’information. Certaines justifient ce sentiment par le fait que les mêmes informations, souvent anxiogènes, reviendraient souvent. 

Radio Nova fait le constat suivant de la situation : “L’édition 2025 du Digital News Report du Reuters Institute confirme que l’écosystème médiatique français traverse une période de grande instabilité. La France affiche désormais l’un des taux de confiance envers la presse les plus bas du panel international étudié. Dans ce climat tendu, les usages continuent d’évoluer. La télévision et la presse sont en recul, tandis que les réseaux sociaux, les plateformes vidéo et les formats numériques s’imposent auprès des plus jeunes, surtout.” 

Les raisons d’une défiance 

“Support de l’élite” et manque d’indépendance 

Pourquoi cette méfiance croissante ? Sur France Culture, la journaliste et chroniqueuse Alice Antheaume avance quelques explications. Elle rappelle d’abord que lors du mouvement des Gilets jaunes, les médias étaient perçus comme un “support de l’élite française”. Un sentiment qui, peut-être, déborde ce soulèvement social. 

Autres raisons possibles de la défiance : selon le baromètre 2023 de l’information de La Croix, une majorité de français considèrent que les journalistes ne sont pas indépendants des pressions financières et de celles qui émanent des partis politiques et du pouvoir. En d’autres termes, les médias seraient perçus comme des “relais” de ces puissances et manqueraient donc d’impartialité. 

Le fait que de grands groupes industriels détiennent une partie des médias est par ailleurs perçu plutôt comme une mauvaise chose pour la pluralité des opinions et l’indépendance des rédactions. 

Des manques relevés dans le traitement de l’information 

Sur le traitement de l’information, les avis sont partagés : selon de nombreux Français, certaines informations sont insuffisamment traitées. 

Parmi celles-ci : les violences faites aux femmes, les difficultés rencontrés par le service public, ou encore le débat sur la fin de vie. Un grand nombre de personnes attendraient davantage d’informations traitant d’écologie. Il y aurait donc un « décrochage” entre les attentes du public et les priorités des médias. 

Enfin, précisons qu’un grand nombre de personnes ont le sentiment d’être confrontés à des fake news y compris avec des médias traditionnels 

Entre un quart et la moitié des sondés estiment être confrontés de manière régulière à la désinformation. 

Reste cependant que les raisons de la défiance ne sont pas toujours parfaitement discernables. 

Par exemple, toujours selon le baromètre, les raisons de l’abandon d’un média ne sont pas claires : la plus grande partie des personnes interrogées notent qu’il ne s’agit pas de souci d’économie ni de la manière dont l’information est traitée. 

Une situation à nuancer 

Un véritable intérêt pour l’actualité 

Est-ce un paradoxe ? Alors même que les Français disent se méfier des médias, ils semblent plus que jamais porter un grand intérêt à l’actualité. Selon l’article de France Info évoqué plus haut, ils sont ainsi 76% à la suivre avec beaucoup d’intérêt… soit 13 points de plus qu’en 1987. 

Notons par ailleurs que la méfiance est très variable selon le média. Alice Antheaume précise ainsi sur France Culture que les médias du service public et la presse quotidienne régionale ont renforcé de réels liens de proximité et de confiance avec les Français. 

Le baromètre évoqué plus haut permet également de se rendre compte de cette disparité. Ainsi, 67% des sondés font confiance aux journaux télévisés, 61% à la presse régionale et 60% aux journaux radiophoniques. On ne passe “sous la moyenne” que pour les journaux présents uniquement sur internet, les émissions télévisées de divertissement, les réseaux sociaux et les influenceurs. 

Des médias qui évoluent 

Il faut noter par ailleurs que bon nombre de médias ont opéré des transformations et développé de nouveaux formats pour se conformer aux usages actuels. On a vu apparaître par exemple dans certains journaux (Le Monde, Libération…) des articles de type checknews traquant la désinformation. Par ailleurs, certains contenus sont désormais adaptés aux réseaux sociaux. 

Enfin, de nouveaux journalistes “amateurs” ont émergé notamment sur les réseaux sociaux, comme le rappelle Angèle Stalder dans le podcast be my media. Très suivis, ils contribuent à vulgariser l’information et à la présenter autrement, s’adaptant aux nouveaux usages. 

Des solutions pour demain ? 

Des médias qui cherchent à évoluer 

De tout cela, il faut conclure que malgré la défiance affirmée, le lien entre les Français et les médias n’est pas rompu. Il existe encore un réel intérêt pour l’information et toute confinace n’a pas disparu, comme on l’a vu. 

Et pour renforcer cette confiance, des initiatives voient le jour. 

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s’est penché sur le sujet en mars 2024. Parmi les questions soulevées : le modèle économique des médias, l’indépendance des rédactions, leur gouvernance, leurs garanties en matière d’éthique, et la protection assurée aux journalistes. 

Des idées sont avancées, parmi lesquelles la rencontre entre le public et les médias, la création d’un conseil déontologique, ou encore une meilleure régulation des réseaux sociaux. 

Une responsabilité du public 

Il n’en reste pas moins que l’avenir des médias passe aussi par le public des lecteurs, auditeurs et téléspectateurs. Nous sommes responsables de notre manière de nous informer, des informations dont nous prenons connaissance, que nous prenons ou non le temps de vérifier, que nous partageons ou pas. Il convient de garder cela à l’esprit dès lors que l’on considère le rapport entre les médias et le public. Les premiers ne peuvent être tenus seuls responsables d’un “décrochage” si tant est que celui-ci existe. L’information passe également par ceux à qui elle est destinée. 

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